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À Rio, les initiatives culturelles se multiplient sur le terrain social. À travers l’art, qu’il soit populaire ou d’avant-garde, les acteurs de cette scène artistique carioca participent aux changements qui s’opèrent dans la société brésilienne.

EVANDO
ET SA BIBLIOTHÈQUE
COMMUNAUTAIRE

Evando est un personnage au destin hors du commun. Maçon venu du Nordeste, il tombe par hasard sur une caisse de vieux livres abandonnés dans la rue. De cette découverte va naître une passion dévorante pour les livres. Il débute une collection à partir de donations qu’il conserve dans sa maison. Lorsque cette dernière atteint plus de 6000 volumes, il décide d’appeler le bureau d’Oscar Niemeyer, le célèbre architecte brésilien, qui lui dessine une bibliothèque, construite grâce aux fonds d’une banque sociale. La bibliothèque Tobias Barreto de Menezes accueille depuis des milliers de livres récupérés par Evando et rendus accessibles à tous. Comme Don Quichotte, le personnage de Cervantes qu’il admire, il parcourt les rues du quartier da Penha prêchant la bonne parole.





Les intellectuels de la région me tolèrent, ils m’appellent l’analphabète, un aventurier analphabète, c’est vrai que je suis un aventurier.








DE LA SAMBA
AU CANDOMBLÉ

Wanyr Junior, un artiste brésilien formé aux Beaux-Arts, a travaillé 15 ans pour des écoles de samba prestigieuses, dont la célèbre école de Mangueira. L’art populaire de la samba transcende encore aujourd’hui le quotidien des cariocas.





Dans les années 70, il y a eu beaucoup de répression politique de la part du gouvernement militaire, tout le monde était interdit de parole… C’est le carnaval, par son caractère superficiel et chaotique, qui a permis d’exprimer un désir de liberté



Nous le rencontrons à l’Université de Rio où il est venu partager son expérience de la performance avec les étudiants en art. L’occasion de confronter une nouvelle génération d’artistes à l’art populaire, lui qui explore les mythes des orishas (divinités afro-américaines originaires d'Afrique, ndlr) et des croyances candomblé.











FAVELA PAINTING,
AUX COULEURS DU MORRO

Le téléphérique flambant neuf du Complexo do Alemão relie l’asphalte à 13 favelas du Nord de Rio, désormais pacifiées. Là, nous attend Angelo Campos, un jeune graffeur, qui habite Vila Cruzeiro, une favela réputée dangereuse. Reconnu par sa communauté, Angelo a créé avec deux artistes étrangers de passage, Haas & Hahn, un projet baptisé Favela painting dont le but est de transformer par la couleur l’environnement du morro. Deux peintures emblématiques s’affichent désormais sur les murs de la Vila Cruzeiro : « L’enfant au cerf-volant » et « Les poissons japonais », peintes sur le sol d’un escalier qui relie deux collines.





Mon père est mort à cause de la violence et du chemin qu’il avait choisi dans le trafic de drogue. Aujourd’hui, je veux montrer le quotidien de la favela, inspiré par ce que j’ai vécu. L’art a transformé ma vie !








Marcelo Ment, un autre graffeur, vit dans la Zona Sul. Il partage ce même souci du dialogue social à travers ses créations. Un doute subsiste pourtant en lui quant aux projets sociaux des artistes qui interviennent dans les favelas de Rio.

Il existe des projets géniaux, des gens qui font ça parce qu’ils y croient, mais il y a aussi des projets opportunistes, qui n’ont pas de continuité… Aucun vrai projet social à mon humble avis, n’a de résultat immédiat. Cela se fait sur le long terme.











LA
MUSIQUE
COMME ARME

L’histoire de Cassia Oliveira est révélatrice de cette volonté de faire bouger les frontières. Professeur de musique dans un collège de la Zona Sul, elle décide de s’installer au cœur d’une communauté située dans le morro de Cantagalo qui surplombe la plage d’Ipanema. Sa maison devient très vite le refuge d’enfants qui y apprennent le chant, le solfège et les instruments de musique. À travers son association, Harmonicanto, Cassia Oliveira s’est donnée pour mission de mêler musique et citoyenneté.






Ces enfants se baladaient dans un marché de la drogue à ciel ouvert… À l’intérieur d’une favela parfois violente, la seule arme que ces enfants utilisent, ce sont des instruments de musique. Quand vous amenez la culture dans la communauté, vous équilibrez les opportunités avec l’asphalte !








Danser
pour résister

La Maré et ses 130.000 habitants, une immense favela située sur un marécage, fait partie de ces zones déshéritées, pacifiées depuis peu après avoir longtemps été tenues par les gangs de la drogue. Comme des contre-feux à cette violence, le Centre d’art de la Maré créé par la chorégraphe brésilienne Lia Rodrigues comme contre-feu à cette violence, est un des lieux où la culture a droit de cité dans un vaste bidonville qui était encore il y a peu, sous les tirs croisés des trafiquants et de la police militaire.
Une troupe professionnelle et des jeunes du morro s’entraînent dans un ancien hangar industriel devenu un haut lieu de la création contemporaine. En décidant d’installer ce lieu de culture au cœur d’une favela, Lia Rodrigues s’interroge sur la place de l’artiste dans la ville.



Comment l’art contemporain peut-il créer un dialogue avec d’autres parties de la ville ? À Rio, c’est cette question-là qui m’a fait venir à la Maré. Depuis 10 ans, je développe différentes actions que j’appelle pédagogiques et artistiques… Je suis une artiste qui se pose des questions par rapport à la ville, au système économique, à ses frontières…







Sur le sable
d'Ipanema

Créé en 1992 par la chorégraphe Lia Rodrigues, le festival Panorama investit l’asphalte.



Cette année, la chorégraphe Marina Guzzo était en résidence au Centre d’art de la Maré pour un atelier sur le mouvement et la place du corps dans la cité. Une performance baptisée « Navios » réalisée avec le soutien d’une fondation privée a investi la plage d’Ipanema.

De nombreux évènements artistiques alternatifs envahissent ainsi les lieux où se croisent les cariocas malgré les frontières invisibles qui divisent le sable !










L’ART
BRUT
À L’HÔPITAL

L’hôpital psychiatrique Nise da Silveira, situé dans la banlieue nord, est le lieu d’une expérience artistique, basée sur l’art thérapie. Des artistes ont investi deux étages de l’immeuble, et proposent aux patients qui le désirent des ateliers où chacun participe et crée librement. Cette expérience d’art brut est une fenêtre ouverte sur le monde à laquelle participe le collectif Norte Comum, un groupement d’artistes de la Zona Norte né sur les réseaux sociaux.



Norte Comum est né à partir d’un texte de Carlos, lancé sur internet. Ce texte parlait du fait que la zone Nord de Rio est toujours laissée de côté…



Gabriela Facioli, Carlos et Pablo Meijueiro, font partie de ceux qui interviennent à l’Hôtel da Loucura auprès des patients du psychiatre Vitor Podeus. Ils animent des ateliers d’art brut, de danse et de performance.



Faire partie de ce projet est une expérience de vie unique, surtout de pouvoir échanger avec ces gens incompris par la société et qui ont été enfermés ici, ils ont été interdits en tant qu’êtres humains.








LA
FOLIE
DU SARAU
TROPICAL


Dans un théâtre de verdure bordé par les grands arbres de l’Hôtel da Loucura, nous assistons au « Sarau Tropical », organisé par le collectif Norte Comum. Patients, psychiatres, artistes et public se mélangent le temps d’une soirée.








On voit bien le capitalisme sauvage, ce système qui détériore la ville et ses habitants. Je fais partie de ceux qui résistent à tout ça, mais je ne vois pas mon travail comme de l’activisme… Mon travail est une réponse à un besoin viscéral, une réponse à mon existence.