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  Photo © Charlotte Boitiaux

La jungle de Calais, bidonville insalubre symbole d’une crise humanitaire sans précédent dans l’histoire récente française, disparaîtra bientôt. Les 9 000 personnes, principalement des hommes, qui la peuplent prennent aujourd’hui le chemin des campagnes françaises. À la demande expresse de l’État, la région Auvergne-Rhône-Alpes doit accueillir quelque 1 800 migrants d’ici la fin de l’année. Dans certains villages mis à contribution, la grogne monte, la peur gagne du terrain, mais nombre d’habitants tendent aussi la main à ces hommes, jetés sur les routes de l’exil. Plongée au cœur d’une France divisée.

Des Afghans dans la Loire

  Photo © AFP

Patty* se gratte le menton en réfléchissant. "Moi, il ne faut pas que je sorte pour aller au boulot à 4 h du matin et que j’aie la peur au ventre..." Elle s’arrête, puis reprend d’un ton vif : "Je vis seule chez moi. J’ai jamais eu peur jusque-là… Il faudrait pas que ça commence". Installée depuis 1997 à Saint-Denis-de-Cabanne, un petit village de La Loire (Auvergne-Rhône-Alpes), Patty, une ouvrière de 51 ans, habite juste en face du Château de la Durie, une base de loisirs réquisitionnée cet été par l’État pour accueillir des migrants.

Patty, à l’instar des 1 300 habitants du village, a été prévenue début septembre par une lettre du maire. Une centaine d’hommes seuls en provenance de Calais, des Afghans sans doute, vont s’installer à la mi-novembre pour une durée de cinq mois. Patty n’a pas l’air préoccupée par leur venue. À vrai dire, elle n’y a jamais vraiment songé. "Je ne me suis pas trop posée de questions. J’aurais préféré que ce soient des familles qui viennent s’installer, c’est vrai… Ça aurait été plus rassurant… Mais bon, des hommes, je vois pas pourquoi ça se passerait mal, non ?" L’entrée du Château de la Durie se situe à moins de 50 m de sa porte d’entrée. De sa fenêtre, la Dyonisienne a une vue directe sur ses nouveaux voisins. "Je ne veux pas les surveiller. Je ne veux pas construire un mur devant chez moi, ni installer des caméras. Tout ce que je demande, c’est qu’on ne m’embête pas. Je veux juste continuer à vivre comme je vivais jusque-là."

Depuis l’annonce du démantèlement complet de la jungle de Calais, le gouvernement exige des régions françaises qu’elles relocalisent temporairement ses milliers d’occupants. Le ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, souhaite créer près de 12 000 places d’hébergement en Centres d’accueil et d’orientation (CAO) d’ici la fin de l’année. Les préfectures ont reçu l’ordre de recenser les bâtiments publics et autres centres de vacances pouvant accueillir les migrants. La répartition s’est faite en fonction des données démographiques propres à chaque département. La région Auvergne-Rhône-Alpes est la plus sollicitée de toutes : elle doit accueillir 1 784 migrants, dont 130 dans le seul département de la Loire.

Dans le lotissement moderne où vit Patty, sur les hauteurs de Saint-Denis-de-Cabanne, les réactions sont plutôt positives. Il y a, évidemment, beaucoup d’interrogations, quelques craintes, mais peu d’hostilité. "La venue des Afghans ? Faut arrêter avec ça !", lâche un voisin, visiblement agacé par l’afflux de journalistes. "J’ai des enfants qui, depuis le jardin, les verront tous les jours. Vous voulez que je leur dise quoi ? Ce sont de pauvres gens… Du moment qu’ils ne font pas de problèmes, tout devrait bien se passer".

À 200 m de là, samedi 1er octobre, l’atmosphère est radicalement différente. Il est 10 h du matin et, sur le parvis de l’église, plusieurs dizaines de drapeaux français flottent au-dessus des parapluies. Ce jour-là, sous une pluie battante, le Front national (FN) organise une manifestation – un fait rare dans le village – pour dire "non aux migrants dans la Loire". Plusieurs personnalités du parti ont fait le déplacement, Nicolas Bay, député européen, Sarah Brosset, responsable FN de Roanne et Sophie Robert, secrétaire départementale de la Loire. En tout, une centaine de personnes s’est mobilisée. Patty, elle, est restée à la maison.



"Ne m’appelez
plus jamais France"

  Photo © Charlotte Boitiaux

Hors de question de recevoir ces sans-papiers, rugit le Front national. "Ce sont des clandestins, ils ne peuvent pas rester, on demande juste que la loi soit appliquée", assène Sophie Robert, une des responsables FN. Malgré la pluie et les affiches détrempées par les trombes d’eau, rien ne semble entamer la détermination des manifestants, ragaillardis par Michel Sardou dont la chanson "Ne m’appelez plus jamais France" jaillit des enceintes.



 Photo © Charlotte Boitiaux

Laure, une mère de famille d’une cinquantaine d’années, est venue "résister" avec son mari. "Je ne veux pas de migrants dans nos campagnes, explique-t-elle, en souriant. Je n’ai rien contre eux, je les aime bien… Mais non !" Pour Laure comme pour de nombreux frontistes, la sexualité des migrants est souvent la première source d’inquiétude et l’objet de tous les fantasmes. "Apparemment, il se passe des choses… Soit sur les enfants… Soit avec les femmes… J’ai entendu dire que des jeunes filles avaient été violées et tuées, j’ai entendu les agressions à Cologne. Faut être réaliste. Ce sont des hommes seuls, célibataires…"

Manifestation #FN à Saint Denis de Cabanne (Loire) #migrants pic.twitter.com/B81WGubzT8

— Charlotte Boitiaux (@chaboite) 1 octobre 2016

Les inquiétudes de Laure sont du pain bénit pour l’extrême-droite. Malgré leur inexactitude. Les agressions à Cologne n’étaient pas le fait de réfugiés venus de Syrie, d’Irak ou d’Afghanistan mais principalement d’Algériens et de Marocains installés en Allemagne de longue date. Et les plaintes pour agressions sexuelles déposées contre des migrants en France sont "inexistantes", affirme Gynécologie sans frontières (GSF). Les violences sexuelles existent, précise l’ONG, elles se déroulent dans le huis clos de la jungle et sont tues, la plupart du temps. Hors du bidonville, aucune agression n’a été recensée.

Qu’importe, insiste Sophie Robert. "Ces craintes sont légitimes. On annonce l’arrivée de 100 hommes seuls dans le village. […] Les gens ont moins peur lorsqu’on parle de familles. Mais là, les gens voient ce qu’il se passe ailleurs et le retranscrivent chez eux. Alors, non, je n’exploite pas la peur de ces personnes", insiste-t-elle. La responsable du Front national ne voit pas non plus pourquoi le lien entre migrants et terroristes, repris sur un tract du parti, pourrait paraître exagéré. "On n’a aucun moyen de vérifier si, parmi ces clandestins, certains n’auraient pas des envies d’attentat. Encore une fois, je n’exploite rien. Je ne suis responsable de rien, je suis là pour aider les gens".

Force est de constater que l’argumentaire frontiste fait mouche. À Saint-Denis-de-Cabanne comme à Valfleury, un autre village de la Loire qui doit lui aussi accueillir une cinquantaine de migrants dans les semaines à venir, les craintes de la population font les affaires du parti. Dans les deux villages, les spectres de l’insécurité, de la délinquance, du terrorisme – des thèmes chers au Front national – surgissent. Le 14 septembre 2016 dernier, une réunion publique à Saint-Denis-de-Cabanne a dégénéré. Le sous-préfet, Christian Abrard, présent pour tenter de rassurer la population, a été pris à parti. "J’ai entendu des propos d’une violence inouïe : ‘On te retrouvera et on te crèvera’", se remémore René Valorges, le maire de Saint-Denis-de-Cabanne. "Les gens sont à bout, ils sont fatigués par les promesses des politiques, par le chômage, par la crise, certains sont donc aujourd’hui plus sensibles aux discours de rejet…"



"Des fourches et des fusils"
  Photo © Charlotte Boitiaux

Sur le trottoir en face de l’église, ils sont une dizaine de contre-manifestants à être venus tenir le discours inverse. Ils sont peu nombreux, ne hurlent pas de slogans et prennent soin de ne pas provoquer l’armée de drapeaux bleu-blanc-rouge qui leur font face. Leur banderole "Refugees welcome" (bienvenue aux réfugiés) suffit à faire passer le message. "J’ai pas envie de vivre dans un pays où les gens se détestent, où tout le monde se hait pour des conneries", explique Léo, un jeune père de famille abrité sous une capuche grise. "Le FN est juste là pour foutre la merde, pour avoir sa place au pouvoir. Je suis juste là pour exprimer pacifiquement ma haine de ces gens-là."

Contre-manif a Saint-Denis de Cabanne : "J'ai pas envie de vivre dans un pays où tout le monde se hait" #migrants pic.twitter.com/bRyyl3leYL

— Charlotte Boitiaux (@chaboite) 1 octobre 2016

Freland, lui, un Dyonisien d’une soixantaine d’années, la pipe à la bouche, observe les deux attroupements. Comme Patty, Freland ne voit pas d’inconvénient à accueillir des Afghans. "Ce qui me préoccupe, c’est que, souvent, ces gens veulent aller vers le Nord, vers l’Angleterre. Ils ne veulent généralement pas descendre dans le Sud… Ils vont avoir un sacré choc de se retrouver ici !" Si Freland est venu braver la pluie, ce samedi matin, c’est surtout pour démasquer d’éventuels voisins. "C’est la première fois que le FN manifeste ici. On est assez surpris. On voit surtout que d’autres personnes se préoccupent de notre village parce qu’en réalité, il n’y a personne de Saint-Denis-de-Cabanne, ici. Ce sont tous des visages méconnus et inconnus."

Freland n’a pas tort. Dans le cortège frontiste, Laure et son mari viennent de Saint-Nizier-sur-Château, à quelques kilomètres de là. Alain, croisé dans le cortège, habite à Saint-Étienne, il a fait plus de 100 km pour venir manifester dans le petit bourg. Chez les "pro-migrants", même constat. Armand, la trentaine, l’un des porte-drapeaux "Welcome Refugees" vit à Mésigny, en Haute-Savoie. Une désertion des administrés qui s’explique, selon le FN, par la "peur du regard du voisin". Ou par la détestation du parti d’extrême droite, préfère croire le maire de Saint-Denis-de-Cabanne. "J’entends surtout des personnes qui me disent qu’elles ont davantage peur du FN que des migrants !", ironise-t-il.



 Photo © Charlotte Boitiaux

René Valorges est en colère, ce jour-là. Mais moins contre le parti d’extrême droite que contre la manifestation organisée le même jour que la Fête des classes, une tradition dans le village. "Ce rassemblement politique gâche les festivités. Et la plupart des Dyonisiens le vivent assez mal", peste-t-il. Un peu plus haut, dans la rue principale du village, l’ambiance dénote : chapeaux de paille et ballons remplacent drapeaux français et affiches de Marine Le Pen. Les discours pro ou anti-migrants ne sont pas à l’ordre du jour. Et ils n’ont pas à l’être, tonne René Valorges. "De toute façon, le CAO va ouvrir, c’est une décision de l’État. La contester n’est pas de mon ressort. Alors soit on se braque, soit on fait en sorte que ça se passe bien. […] Mais pour que ca se passe bien, il est évident que la population ne doit pas accueillir les migrants avec des fourches et des fusils."

Afin de rassurer ses administrés, l’édile a donc listé une série de questions "très concrètes" : y aura-t-il un couvre-feu ? Combien de personnes assureront l’encadrement des migrants accueillis ? Comment vont-ils se nourrir ? Où vont-ils faire leur lessive ? "On attend maintenant les réponses de l’État. Les gens ont simplement besoin d’être tranquillisés, continue-t-il. Mais je veux rester optimiste. Tous les maires du coin que j’ai appelés, à Pessat-Villeneuve, à Saint-Beauzire [tous deux dans le Puy-du-Dôme, NDLR], qui ont fait face à l’arrivée de migrants m’ont dit : ‘Vous verrez, ça se passe bien…’".



Le Chambon-sur-Lignon, "rôdé" aux étrangers
  Photo © Charlotte Boitiaux

C’est en tout cas le constat que fait le Chambon-sur-Lignon. À quelques centaines de kilomètres de Saint-Denis-de-Cabanne, la ville de Haute-Loire abrite depuis une quinzaine d’années un Centre d’accueil de demandeurs d’asile (Cada), de 52 places, toujours complet. Au Chambon, on est "rôdé". On y accueille régulièrement, et en fonction de l’actualité, des Kosovars, des Mongols, des Soudanais, des Rwandais, des Arméniens, des Congolais… On comprend donc également l’appréhension de Saint-Denis-de-Cabanne ou de Valfleury. "Ici aussi, il y a eu des craintes. En 2000, à l’ouverture du centre d’accueil, les Chambonnais ont demandé si ces migrants allaient voler leur boulot, si leurs enfants feraient baisser les niveaux des écoles", explique Perrine Barriol, membre du collectif Plateau asile solidarité (PAS) et bénévole au Cada. "Mais quand ils ont vu que les Soudanais étaient les premiers de classe, ils ont été rassurés", raconte-t-elle, en riant.


Le Centre de demandeurs d’asile (Cada) du Chambon-sur-Lignon a ouvert en 2000, il compte 52 places au total.
 Photo © Charlotte Boitiaux

À la différence des CAO, les Cada accueillent généralement des familles, pour une durée maximale de deux ans, dans l’attente de leur titre de séjour. Les adultes n’ont pas le droit de travailler, mais les jeunes sont scolarisés. Actuellement au Chambon, huit couples avec enfants sont hébergés, seuls cinq logements sont occupés par des hommes isolés. "Évidemment, il y a des difficultés, des incompréhensions, des différences culturelles qu’il faut gérer. Tout ne coule pas de source", souligne de son côté Hervé Routier, bénévole au centre d’accueil et membre de l’association PAS. "Parfois, on se retrouve même face à des situations cocasses, comme ce jour où le Cada a reçu une famille d’Alep [en Syrie]. En arrivant, ils ont demandé où étaient les domestiques… Ils avaient de l’argent. Ils ne comprenaient pas qu’ici, ça ne se passait pas comme ça."

Les trois bénévoles balaient en revanche d’un revers de main les peurs d’insécurité qui essaiment dans la région. "Les migrants sont généralement peu nombreux dans les centres d’accueil. Au Chambon, ils sont 52 [étrangers] sur une population de 2 700 habitants. La police est plus souvent appelée dans les HLM qu’au Cada", précise Perrine Barriol. Selon elle, les tensions communautaires sont quasi-inexistantes. "Si les migrants n’aiment pas leurs voisins, ils ne leur parlent pas, c’est tout. Ils savent qu’à la moindre incartade, ils n’auront pas de titre de séjour."

Aujourd’hui, le village s’appuie sur un vaste réseau associatif pour venir en aide aux plus démunis. Outre l’association Plateau asile solidarité, on y trouve une antenne des Restos du cœur, l’Armée du salut, l’Entraide protestante… Les Chambonnais se relaient pour donner des cours de français, animer des ateliers manuels, des ateliers de santé, de sexualité, des rencontres sportives. "Les personnes en Cada ont interdiction de chercher un emploi. Il faut donc énormément les occuper, sinon elles tournent en rond, et c’est là que les problèmes commencent", explique Perrine Barriol.



Wauquiez : au nom du maire
et du fils
  Photo © Charlotte Boitiaux

Au Chambon, tous les demandeurs d’asile se mêlent à la vie de la cité. On les croise sur le parvis de la bibliothèque pour capter le wifi, devant les sorties d’école quand il faut aller chercher les enfants, sur les bords des routes en train de faire du vélo. Un vivre-ensemble qui fonctionne et dont s’enorgueillissent les bénévoles des lieux. "Le Chambon joue son rôle depuis le Moyen Âge, la ville a accueilli des protestants persécutés sous la Réforme, des Républicains espagnols, des juifs pendant le Seconde Guerre mondiale… On ne s’est jamais posé la question d’arrêter ce qu’on fait", précise Perrine Barriol.


Hervé Routier (gauche), conseiller municipal et bénévole au Cada, et Perrine Barriol, membre de l’association Plateau Asile Solidarité
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En 1990,la ville de Chambon-sur-Lignon est devenue la seule de France à être élevée au rang de Juste parmi les nations pour avoir caché près d’un millier de juifs, dont un grand nombre d’enfants, à partir de 1940. Un honneur et un sacerdoce aujourd’hui mis à l’épreuve. Début septembre, le président par intérim des Républicains et président de région Auvergne-Rhône-Alpes, Laurent Wauquiez, a lancé une pétition pour s’opposer au projet de répartition des migrants en France. Son slogan : "Non à la création de mini-jungles sur l’ensemble du territoire".

La sortie de l’élu a particulièrement ému les Chambonnais. D’une part, parce qu’une telle saillie anti-migrants "c'est bafouer l'histoire de notre région", expliquent les bénévoles ; d’autre part, parce que Laurent Wauquiez n’est autre que le fils… de la maire du Chambon-sur-Lignon, Éliane Wauquiez. Le 16 septembre, pour ne rien arranger aux tensions communales, Éliane Wauquiez n’a pas accepté de soumettre au vote l’accueil de nouveaux réfugiés dans sa commune, malgré le souhait exprimé par l’ensemble du conseil municipal. Une consultation qui se voulait avant tout symbolique, la ville n’ayant pas été sollicitée pour accueillir des migrants de la jungle. Pour Hervé Routier, également conseiller municipal, le conflit d’intérêt est évident : "Nous sommes à quelques mois d’une échéance électorale et madame la maire ne veut pas faire trop de tort à son fils… Enfin, tout ça ne nous fera pas tousser. Nous, on sait bien qu’on va continuer notre boulot". Éliane Wauquiez n’a pas souhaité répondre aux questions de France 24, l’une de ses adjointes, jointe par téléphone, s’est bornée à répéter qu’il ne "fallait pas personnaliser l’affaire".


Franck est un réfugié du Congo-Brazzaville. Il vit depuis six mois au Cada du Chambon-sur-Lignon
 Photo © Charlotte Boitiaux

Martin, jeune Arménien de 20 ans, n’a jamais entendu parler de Laurent Wauquiez, de CAO ou de politique d’intégration. Le jeune homme est installé depuis un an avec sa famille dans le Cada du Chambon-sur-Lignon. Il a remarqué le va-et-vient des journalistes – sans y prêter une grande attention. Pour l’instant, dans sa vie de jeune adulte, seuls le sport et les copains comptent. "Les bénévoles me demandent si je veux les aider, mais je préfère aller au club de foot", dit-il dans un français parfait.

L’un de ses voisins, Franck, ne se mêle pas davantage au débat. Ce Congolais de 35 ans vit depuis six mois dans la ville Juste. Il fait partie des cinq hommes isolés du Cada. Lui non plus n’a pas entendu parler de "l’affaire Wauquiez". Et lui non plus n’y prête pas un grand intérêt. "Les politiques font toujours des histoires", dit-il en riant. Franck vient régulièrement à la bibliothèque du village consulter ses mails. Dans le coin, tout le monde le connaît. "Il est toujours assis à la même place, bon et puis… Y a pas beaucoup de Noirs par ici, on le repère facilement", sourit un jeune Chambonnais assis devant l’entrée de la médiathèque. Franck sait qu’il dénote. "Moi, si j’ai l’asile, j’aimerais partir dans une ville plus grande comme au Puy-en-Velay. Ici, c’est bien, mais ça manque de monde, de mixité et de Mc Do", ajoute-t-il.

"C’est tout ce qu’on leur souhaite", murmure la bénévole Perrine Barriol. Obtenir l’asile et tenter l’aventure, autre part. "Pourtant, vous savez ce qui est le plus émouvant ?", poursuit-elle avant de partir. "C’est quand une famille obtient l’asile et s’installe dans la ville. C’est arrivé peu souvent, trois ou quatre fois… Mais c’est arrivé. Et, c’est une sacré fierté de les avoir connus sans papiers et de les savoir aujourd’hui Chambonnais."

* Le prénom a été changé