En 2014, Grenoble est devenue la première grande ville de France à élire un maire écologiste, Éric Piolle. Depuis, la capitale alpine est devenue la vitrine de l’écologie politique française et le laboratoire de projets pionniers. Si l’attention mondiale se tourne vers Paris, qui accueille la Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques (COP21) du 30 novembre au 11 décembre, Grenoble s’est affirmée comme le modèle français de la ville propre qui multiplie les initiatives en vue de réduire la pollution et les émissions de CO2.
"Nous en sommes à la 21e conférence internationale sur le climat. À présent, nous savons ce qui doit être fait, mais nous hésitons encore à le faire. Le temps est venu de changer radicalement les règles du jeu", martèle avec détermination Éric Piolle.
Grenoble s’est lancée dans une aventure environnementale inspirante, même si elle reste risquée et remplie d’embûches. L’avenir dira si l’expérience est concluante, mais elle mérite sûrement que les citoyens et les décideurs politiques du monde entier y regardent de plus près.
L’engagement écologiste de Grenoble ne date pas d’hier. En 1983, un premier groupe de militants verts s’invitait aux élections municipales. Cette année-là, ils firent alliance avec Hubert Dubedout, maire PS sortant et sensible à la cause. Mais après trois mandats, le socialiste fut coiffé au poteau par Alain Carignon, tête de liste RPR.
Si la défaite fut rude pour la gauche, elle contribua néanmoins à forger une base solide de militants désireux de mettre l’écologie au cœur du projet municipal grenoblois. Depuis, le groupe a changé plusieurs fois de nom – aujourd’hui Association démocratie, écologie et solidarité (Ades), mais sa volonté de lutter contre la pollution et de promouvoir l'engagement citoyen reste inchangée.
Pour Vincent Comparat, président de l’Ades, les écolos grenoblois sont des "artisans du changement politique". À force de détermination, ils ont lentement et méticuleusement forgé les réformes vertes de la ville. Trois décennies d’engagement durant lesquelles Vincent Comparat a vu les militants savourer une poignée de victoires, comme le retour des services d’eau à la régie municipale en 2000, et encaisser autant de défaites, notamment la construction d'un stade de football dans le cœur de la ville. Mais l’un de ses plus grands triomphes reste d'avoir propulsé Éric Piolle dans le fauteuil du maire en 2014.
Physicien moléculaire à la retraite, Vincent Comparat, 72 ans, parle souvent d’"équation" lorsqu’il évoque Grenoble. Et il est convaincu que la victoire des Verts aux municipales de 2014 résulte de la somme de plusieurs facteurs. Le premier, selon lui, remonte à 2008 lorsque le maire socialiste de l’époque, Michel Destot, qui succéda à Alain Carignon en 1995, a refusé d'inscrire l’Ades sur sa liste électorale en 2008. "En regardant en arrière, nous devrions le remercier, s’amuse le combattant écolo aux cheveux d’argent. Nous avons gagné en autonomie et six ans plus tard, nous étions prêts à nous présenter comme une véritable alternative politique."
Le deuxième facteur a ensuite été la capacité de l’Ades à négocier un accord entre Europe Écologie-Les Verts (EELV) et le Parti de gauche, qui ont fini par accepter de faire campagne commune lors des dernières municipales.
Éric Piolle est différent
"Et enfin, il y a la personnalité d'Éric Piolle", concède Vincent Comparat. "Il est jeune, il a beaucoup d'idées et il est très sympathique. Les candidats verts à la mairie sont généralement des professeurs d’université mais lui, c'est un ingénieur et un ancien cadre d'un groupe international. Il est différent", poursuit-il.
Vincent Comparat ne tarit pas d’éloges sur le nouveau maire, tout en émettant quelques réserves sur sa communication. "La mairie doit être au plus près des gens, leur parler comme à des adultes", insiste le militant, estimant qu’Éric Piolle n’explique pas suffisamment ses choix et ses décisions à ses administrés. Mais plutôt que d’attendre que les relations publiques de la ville s’améliorent, Vincent Comparat a déjà pris les choses en main : il s’excuse poliment pour pouvoir retourner à l’écriture du blog de l’Ades
Agrippé à son portable, Éric Piolle hésite à prendre une chaise et s’asseoir. Il semble être de ceux qui n’ont pas une minute à perdre. De fait, depuis qu’il a été élu à la mairie de Grenoble le 4 avril 2014, il a lancé un nombre impressionnant de nouveaux projets et en a davantage encore sous le coude.
Ce n’est pas le travail qui effraie cet ovni politique, père de quatre enfants. Avant de devenir le premier écologiste élu à la tête d’une ville de cette importance en France, cet ingénieur de formation a dirigé une division de la multinationale informatique Hewlett-Packard. En 2011, il a été débarqué pour avoir manifesté son apposition au projet de délocalisation d’une partie de son activité, un projet auquel le PDG d’HP a finalement renoncé.
Franklin D. Roosevelt a changé les règles du jeu
Son appel à l'action politique est d’ailleurs calqué sur les "Cent Jours" de Franklin D. Roosevelt, les premiers qu’il a passés à la présidence des États-Unis : "Quelques semaines après son arrivée au pouvoir, Roosevelt a adopté des réformes visant à réguler le secteur financier et relancer l’économie, rappelle Éric Piolle, il a complètement changé les règles du jeu."
Certes, les premières mesures d’Éric Piolle n’ont pas l’envergure de celles de Roosevelt. Mais elles reflètent tout de même sa conviction profonde que la société a besoin d'un changement fondamental, et ce, rapidement. Alors il n’a pas tardé à réformer. En septembre 2015, la ville a lancé ses projets de budget participatif, dispositif qui permet aux Grenoblois de proposer l'affectation d'une partie du budget d'investissement sur la base de projets citoyens. La part du bio dans les cantines scolaires a également été augmentée, le contrôle sur les tarifs du chauffage urbain et de l’eau accru, la part de logements sociaux dans les projets immobiliers en cours rehaussée jusqu’à 40%. Et en janvier 2016, Grenoble et ses 41 communes limitrophes abaisseront les limites de vitesse en ville de 50 à 30 kilomètres par heure, une première en France.
La mesure qui a fait couler le plus d’encre est sans conteste l’interdiction des panneaux publicitaires dans les espaces publics. Cela sauvera-t-il la planète ? Éric Piolle défend une décision à haute teneur symbolique : "Nous devons mettre un terme à cet hyper-consumérisme, où les citoyens ne sont plus considérés comme tels mais uniquement en tant que consommateurs," explique-t-il, soulignant que la mesure lui a valu un déluge d’encouragements venus des quatre coins de la planète. "La première chose que les gens me disent, c’est qu'ils n’imaginaient même pas que c’était possible. Tout d'un coup, ils peuvent se permettre de rêver grand."
Mais que pèsent réellement les symboles dans la realpolitik ? Les panneaux publicitaires rapportaient 600 000 euros par an à la mairie et les pertes engendrées par leur retrait risquent de venir creuser un peu plus les caisses de la ville, dont le déficit était déjà colossal. En cause : les dettes énormes héritées de la mandature précédente mais également les baisses des dotations de l’État aux communes. Une combinaison qui contraint le maire à réduire le budget de la ville de 9% au cours des trois prochaines années et pourrait former le principal obstacle à la mise en place de son New Deal vert.
Le compte à rebours a déjà commencé.
Éric Piolle, 42 ans, a été élu contre toute attente à la mairie de Grenoble en mars 2014, raflant la ville aux socialistes en place depuis 19 ans et devenant au passage le premier Vert à se hisser à la tête d'une ville de plus de 150 000 habitants. Entouré d’une équipe composée de représentants d’Europe Écologie-Les Verts (EELV), du Parti de gauche (PG) et de collectifs citoyens, cet ambitieux écolo tente de mettre en place la "troisième révolution urbaine".
Éric Piolle : Certaines mesures, comme la suppression de la publicité sur l’espace public, ont fait le tour du monde. Mais pour moi, la plus belle réussite est celle de porter un espoir nouveau. Tout le monde a bien compris que nous sommes face à l’émergence d’un nouveau modèle.
Qu’il s’agisse du plan local d’urbanisme, du développement du bio dans les cantines, des déplacements, de la place de la nature en ville ou de la volonté de pas augmenter les impôts locaux, nous tentons de mettre en œuvre une action cohérente. Nous cherchons à trouver des solutions et à résoudre les causes des dysfonctionnements sociaux, environnementaux et économiques. Les trois vont de paire.
La cohérence reste donc notre plus grand défi. Car évidement, nous mettons notre action en place à un moment où la politique récessionniste de l’État est énorme. Par ailleurs, en mars 2014, Grenoble était la ville de plus de 100 000 habitants la plus en difficulté financière de France. La transformation nécessite du temps mais nous devons faire avec la baisse des dotations de l’État et donc baisser massivement nos budgets, soit 9 % en trois ans, du jamais vu dans l’action publique !
Éric Piolle : Nous nous sommes réconciliés avec les entrepreneurs. Ils sont également citoyens, frappés eux aussi par le dérèglement climatique, inquiets pour leurs enfants, leurs familles. Ils sont également touchés par les inégalités et la violence du monde libéral. Ils n’ont pas deux vies déconnectées : ils sont citoyens et chefs d’entreprises
Les entrepreneurs perçoivent qu’il y a des opportunités extrêmement fortes dans ce nouveau modèle, plus en réseau, moins jacobin et moins centralisé. Ils savent par exemple que la réhabilitation du bâti est plus pourvoyeuse d’emplois que la construction du neuf, de même que le recyclage ou les circuits courts [alimentaires] qui sont plus à même de créer des emplois localement.
Éric Piolle : Le monde du commerce a des défis extrêmement durs à relever puisque cela fait maintenant 40 ans que les acteurs politiques ont construit ou laissé construire des supermarchés et hypermarchés en bordure de ville, dans ce monde pensé pour la voiture, la consommation et une expansion foncière terrible. Leur situation est également issue de la crise économique, des changements de pratiques, comme la consommation par Internet.
Nous travaillons donc - avec et autour d’eux - pour que la ville redevienne un espace de vie. C’est ainsi que les clients reviendront et revivifieront ces endroits-là. Il faut de nouveaux aménagements pour une troisième révolution urbaine.
Grenoble a été construite dans les années 1950-60 sur le "tout voiture" et depuis, il y a eu deux révolutions urbaines. La première correspond au retour de la piétonisation du centre-ville dans les années 1970. Les commerçants étaient vent debout contre ce le projet. Finalement, ils ont ensuite été les premiers à reconnaître que cela avait permis de maintenir une activité économique dans le centre. La deuxième a eu lieu à la fin des années 1980 avec la construction du tramway. Là encore, les commerçants étaient contre.
Avec cette troisième révolution, nous voulons agrandir le centre-ville et changer les moyens de transports : développer les transports en commun, le vélo et la marche à pied. Nous ne voulons pas chasser les voitures, simplement les remettre à leur place. Je pense que les commerçants ont tout à gagner et qu’ils en feront le constat à terme. Oslo, Bruxelles ou Rio de Janeiro donnent déjà plus de place aux piétons. On sait que la ville de demain sera sur ce modèle et nous souhaitons le développer le plus vite possible à Grenoble.
Éric Piolle : Il va y avoir de nouvelles rues piétonnes ainsi que des axes qui seront réservés aux transports en commun, aux vélos et aux piétons.
Éric Piolle : Ça dépend. Il y a une capacité forte au changement en France qui à fait sa révolution en 1789 et qui reste aujourd’hui à la pointe de l’innovation et de la recherche. Mais il y a aussi une culture du débat et du verbe peut-être plus marquée qu’ailleurs. On fonctionne différemment. Dans la société américaine, on passe à l’action puis on s’améliore au fur et à mesure.
En France - si l’on caricature - nous cherchons à être parfaits du premier coup donc on discute longtemps avant de passer à l’action. À Grenoble, nous cherchons à avancer en marchant. Nous avons une direction, une boussole et finalement nous nous donnons confiance en faisant, plutôt qu’en attendant la révolution du grand soir.
Les panneaux publicitaires polluent-ils le paysage ?
Selon un sondage récent, les trois quarts de la population française jugent la publicité envahissante. Un argument amplement utilisé par la nouvelle municipalité écologiste pour justifier sa décision de débarrasser Grenoble des 326 panneaux publicitaires qui jalonnaient la ville jusqu’en janvier dernier. Nombre d’entre eux ont été remplacés par des arbres.
Cependant, affirmer que les publicités ne font plus partie du paysage grenoblois n’est pas tout à fait juste. Les arrêts de bus et de tramway continuent d’en afficher et le centre-ville n’en est pas complètement dépourvu : les commerces n’hésitent pas à vanter aux passants leurs derniers produits ou promotions devant leurs portes. Et parallèlement au démontage des panneaux publicitaires, des dizaines de "totems" - des colonnes de trois mètres de haut - sont sorties de terre un peu partout dans la ville pour annoncer les événements sportifs ou culturels.
Grenoble est-elle plus agréable sans panneaux publicitaires ? Jugez par vous-même ! .
En cette matinée couverte d’octobre, l’équipe de cuisiniers n’a pas le temps de voir les feuilles tomber. Chacun s’active dans un immeuble discret de l’extrémité-sud de Grenoble pour préparer les 10 000 déjeuners à livrer en fin de matinée. Après avoir été minutieusement mitonnée, emballée et conservée au froid, la nourriture sera distribuée aux écoles primaires publiques, crèches et maisons de retraite de la ville. La moitié des repas dans les écoles primaires est faite de produits bio, une mesure qui fait la fierté de la nouvelle mairie.
Éric Piolle ne peut pourtant pas s’enorgueillir d’avoir introduit le bio à la cantine. La mesure avait été lancée avant lui, mais il a fait de l’extension de cette initiative l’une de ses priorités. Cinq mois après avoir été élu, il a fait en sorte que la cuisine centrale de la ville passe de 25% d’ingrédients bio à 50% dans la confection de ses plats. Et si le maire tient ses promesses de campagne, la cuisine sortira des plats 100% bio pour les enfants comme pour les personnes âgées d’ici à 2020.
Avec le million de repas servis chaque année, le passage au 100% bio est un pari colossal qui soulève de nombreuses questions, notamment financières. Les repas plus sains sont-ils aussi plus coûteux ? Si oui, qui paye la facture ? Marie Giacometti, chef de service par intérim de la cuisine centrale, admet que les repas scolaires sont un peu plus chers cette année mais, selon elle, cette augmentation n’a rien à voir avec le passage au bio.
"Notre acheteur est très bon en négociation !", dit-elle avec un sourire. Et si les familles payent certes la différence, la progressivité des tarifs permet aux plus pauvres de ne payer que de 0,74 euro pour un repas. Les familles les plus riches payent ainsi 7,56 euros par repas, mais 80% des familles payent moins de 5,90 euros.
Tout est une question d’équilibre
Marie Giacometti émet toutefois des doutes sur le passage au 100 % bio, en raison de la réalité du marché alimentaire. Elle s’interroge par exemple sur la possibilité de se procurer du poisson bio ou sur la pertinence d’acheter des pommes bio qui ont poussé à plus de 2 000 kilomètres quand des pommes non bio mais éco-responsables sont cultivées dans une ferme voisine. "Nous devons prendre en compte le facteur bio mais aussi la question de l’origine des aliments. Nous avons également demandé l’introduction de repas végétariens une fois par semaine…Selon moi, tout est une question d’équilibre", résume-t-elle avec sagesse.
Fournir à la jeunesse des repas qui soient meilleurs pour la santé mais également pour la planète est un effort tout aussi admirable que difficile à tenir. Et pourtant, il n’est qu’un projet minime face aux myriades de défis de taille auxquels se confrontent législateurs, hommes d’affaires, pêcheurs, agriculteurs ou tout simplement les familles ordinaires, partout dans le monde.
Les mesures prises par la nouvelle mairie, comme la décision de supprimer progressivement la publicité du paysage urbain ou encore d’abaisser la limitation de vitesse, ont valu à la ville des félicitations venues du monde entier. Mais pas forcément des Grenoblois… dont certains restent sceptiques face à la nouvelle politique de la municipalité.
Valérie Delas fait partie de ceux-là. Cette propriétaire d’une épicerie grenobloise – commerce qu’elle tient en famille avec son mari et son fils - estime qu’Éric Piolle en fait beaucoup trop pour quelqu’un qui, finalement, a été "élu par défaut".
"[Lors des municipales de 2014], les électeurs en avaient un peu assez d’avoir le Parti socialiste depuis trois mandats. À droite, il n’y avait pas vraiment de bon candidat et l’extrême droite, ce n’est pas non plus la tasse de thé de Grenoble qui est une ville cosmopolite, explique Valérie Delas, également présidente de la Fédération des unions commerciales et artisanales du Sud-Isère. Beaucoup de gens ne se sont même pas allés voter. M. Piolle était le premier surpris d’être élu. Il avait prévu de faire un bon score, mais pas prévu d’être élu".
Lorsque la mairie a commencé à supprimer la publicité de ses rues, en janvier, Valérie Delas a fait part de sa méfiance à un journal local. Aujourd’hui, elle est persuadée qu’Éric Piolle et ses conseillers municipaux se sont lancés dans une série de réformes sans réaliser que ces mesures fragilisaient de nombreux commerces déjà en difficulté.
Valérie Delas aimerait que la mairie s’occupe en priorité de la saleté des rues et de la hausse de la délinquance. Elle s’interroge sur le manque de policiers municipaux et d’éboueurs dans la ville. Elle reproche à la municipalité de ne communiquer que sur l’aménagement de nouvelles voies cyclables…
La place de la voiture dans le paysage urbain est aussi une pomme de discorde. Éric Piolle plaide depuis longtemps pour les alternatives à l’automobile. Mais pour Valérie Delas et de nombreux commerçants, diminuer l’accès des voitures dans le centre-ville est le moyen le plus sûr de tuer les commerces.
"M. Piolle et son équipe sont dans la doctrine et moi personnellement, je n’ai pas l’impression que j’habite dans le même monde qu’eux", se désole Valérie Delas qui se défend d’être insensible aux problèmes de pollution. La commerçante ne se dit pas opposée à la piétonisation de certains secteurs. "On n’en est pas à dire qu’il ne faut rien faire. Nous disons : ‘Supprimer c’est bien mais il faut trouvers d’autres modes de transport pour compenser !’"
Après six mois de discussions avec la municipalité d'Eric Piolle, l'association des unions commerciales [qui fédère 12 associations de commerçants de Grenoble] a fini par claquer la porte. "Nous nous sommes rebellés", a déclaré Valérie Delas, en choisissant bien ses mots. Les "rebelles" ont brandi la menace de ne pas retourner à la table des pourparlers tant que la mairie continuerait à faire la sourde oreille face à leurs doléances.
À l’échelle internationale, les initiatives environnementales grenobloises apparaissent comme une goutte d’eau dans le combat contre le réchauffement climatique. Et pourtant, ces idées révolutionnaires testées dans la "capitale des Alpes" pourraient être la seule façon de réaliser des progrès significatifs dans la lutte pour la préservation de notre planète.
Il faut mettre en place une approche différente de celle de Copenhague
"Le débat climatique a évolué depuis le sommet de Copenhague en 2009. Nous avons réalisé qu’il était impossible d’imposer une stratégie unique pour chaque pays, de manière contraignante", explique Sandrine Mathy, chargée de recherche en économie de l'environnement et de l'énergie au CNRS.
"Il faut prendre le problème à l’envers. Copenhague préconisait une approche selon laquelle les politiques climatiques devaient être décidées "top-down" [d’en haut], , par les gouvernements. Il faudrait en fait envisager une approche inverse où les initiatives viendraient "bottom-up" [d’en bas], des politiques locales", ajoute-t-elle. Sandrine Mathy croit fermement que la ville est un acteur clé dans la lutte pour la protection du climat. Les politiques environnementales locales sont souvent celles qui poussent les gouvernements à adopter des objectifs plus ambitieux.
Pour Sandrine Mathy, par exemple, la réduction de la vitesse de circulation à 30 kilomètres par heure dans Grenoble pourrait avoir un "impact extrêmement positif" sur la réduction d’émissions de carbone et en particulier sur l’amélioration de la qualité de l’air. "Il faut que toutes les mesures qui peuvent restreindre l’utilisation de la voiture soient accompagnées de programmes pour favoriser l’utilisation d’autres modes de transport comme le covoiturage, le télétravail, etc.", précise-t-elle.
L’experte du CNRS fait partie du groupe de travail qui aide le ministère de l’Écologie et du Développement durable à évaluer les contributions nationales (INDC) et les instruments mis en œuvre par les différents pays présents à la grand-messe sur le climat (COP21) qui se tiendra à Paris au mois de décembre.
Seules les initiatives locales ont porté leurs fruits
"On a voulu mettre en place un grand marché international du carbone [pour réguler les taux d’émission de gaz à effet de serre]. Mais on s’est rendu compte à Copenhague que ça ne marcherait pas comme ça. Au contraire, on a vu depuis que les politiques climatiques émergent davantage de logiques locales ou territoriales", précise encore l’experte.
Et Grenoble n’est pas un cas isolé. Le "C40 cities" [ou "C40"], par exemple, ce groupe rassemblant des grandes villes du monde (comme Paris, Sydney...), s’est engagé à réduire ses émissions de gaz à effet de serre. En France se développent également les Tepos, les "Territoires énergies positives", des villes qui effectuent leur transition vers 100 % de ressources énergétiques issues du vent, de l’eau, du soleil…
"La France s’est fixé comme objectif de diviser par quatre ses émissions de gaz à effet de serre à l’horizon 2050. Mais le gouvernement n’a pas les moyens d’imposer cet objectif à chacune de ses collectivités. Nous avons donc besoin de l’implication des villes pour atteindre cet objectif. Ça permettrait de gagner du temps et d’être plus efficaces", conclut Sandrine Mathy.
Une reportage de Joseph BAMAT pour France 24
Text et photos de Joseph BAMAT
Remerciements à la ville de Grenoble pour les photos "Avant"
Traduction : Sarah Leduc et Charlotte Boitiaux
Secrétaires de rédaction : Cassandre Toussaint et Yona Helaoua
Graphisme et développement : Studio Graphique France Médias Monde
Directeur de publication : Sylvain Attal, Marie Valla(France24)
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