Ces enfants syriens sont réfugiés à Halba dans le nord du Liban. Depuis deux ans ils vont à l’école l’après midi.

Au Liban, la moitié des réfugiés syriens, soit plus d’un demi-million de personnes, sont des mineurs. Partout à travers le pays, les autorités et les habitants s’organisent pour que, malgré l’exil, ces enfants puissent aller à l’école. Pourtant, cet élan de générosité ne va pas de soi : la présence des Syriens réveille pour beaucoup de Libanais le souvenir douloureux de 30 ans d’occupation (1976-2005). Entre mission de service public et devoir humanitaire, cet effort colossal pour assurer la scolarisation des enfants syriens mobilise toute la société vers un seul but : voir un jour ces réfugiés instruits reprendre le chemin de la Syrie et la reconstruire.

À l’école publique de Sin el-Fil, à l’est de Beyrouth, la cloche sonne. Il est 14 h, les petits Libanais remplissent leurs cartables et s’élancent dans les couloirs. C’est la fin des classes. Dehors, un ciel bleu promet une belle après-midi de jeux. Pourtant, à l’école, le temps n’est pas à la rêverie. Les élèves partis sont vite remplacés par d’autres enfants, des réfugiés syriens. Tandis que des bus scolaires démarrent, d’autres arrivent. « C’est une nouvelle journée qui commence», raconte Rachel Chidiac, directrice de l’école. Petit à petit, les salles se remplissent et les professeurs, souvent les mêmes que le matin, débutent leurs leçons.

Le Liban ouvre ses écoles
aux enfants syriens

   A l’école de Sin el Fil à Beyrouth, les enfants syriens ont cours l’après-midi

Depuis trois ans, les écoles publiques libanaises se dédoublent pour accueillir les enfants déplacés de Syrie. De 7 h 30 à 14 h, c’est une journée normale pour les Libanais – et quelques étrangers qui ne doivent théoriquement pas dépasser 50 % des effectifs – puis, de 14 h à 19 h, vient le temps des Syriens.

Grâce à ce système, 158 000 réfugiés ont pu s’inscrire gratuitement à l’école publique à la rentrée 2015. Ils représentent environ un élève sur trois, chiffre qui reflète le poids des réfugiés syriens dans la population libanaise, un record avec lequel aucun autre pays ne peut rivaliser.





Source : ministère de l’Éducation nationale du Liban

Source : ministère de l’Éducation nationale du Liban




Cet effort de scolarisation repose entièrement sur l’aide internationale. Dans les salles de classes, impossible de s’y tromper : cartables, trousses, cahiers et stylos portent les logos des généreux donateurs. Le ministère de l’Éducation nationale libanais reçoit 363 dollars par an pour chaque élève étranger (Syriens arrivés avant la guerre et autres nationalités) scolarisé le matin, et 600 dollars pour les Syriens de l'après-midi. Cette année, près de 6 000 nouveaux enseignants libanais ont été recrutés pour renforcer le personnel des 238 écoles qui pratiquent les doubles journées.

L’aide internationale est centralisée par la Banque Mondiale et distribuée au ministère de l’Éducation nationale via les agences de l’ONU (UNESCO - UNHCR - UNDP - UNICEF - UNSCOL). Elle provient de différents pays dont l’Allemagne, les États-Unis, l’Union européenne, la Grande-Bretagne, le Canada, la Norvège, l’Italie, la France, les Pays-Bas, le Japon, le Koweït, le Danemark, l’Arabie Saoudite, le Qatar, les Emirats Arabes Unis, la Belgique, l’Australie, l’Autriche, la Suède, la Finlande, la Suisse, la Corée du Sud.



Des besoins particuliers

   Les cartables des élèves syriens portent les logos des donneurs qui financent leurs études

Pour les enfants syriens, le premier défi est celui de la langue. Au Liban, les matières scientifiques sont enseignées en français ou en anglais alors qu’en Syrie, tout le cursus se fait en arabe. Dans la salle de français, les enfants répètent mécaniquement après la professeure : « Jad mange une tartine et boit une tasse de lait ». Une fois, deux fois. La professeure leur demande ensuite ce que Jad a mangé le matin. Silence. Il faut reprendre en arabe. « Quand ils arrivent, ils ne comprennent pas un mot et ne connaissent même pas l’alphabet, mais ils apprennent vite, surtout les petits », explique la jeune femme blonde.

Dans le cours d’à-côté, c’est l’heure des mathématiques, en français toujours. Hala a 12 ans. Avec sa famille, elle a fui les bombardements d’Alep en 2014. Aujourd’hui, elle détaille au tableau les calculs qui lui ont permis de trouver le périmètre d’un rectangle, dans une langue qu’elle ne connaissait pas il y a deux ans. « J’aime aller à l’école, plus tard je voudrais être ingénieure », raconte-t-elle.




 Hala, 12 ans vient de Homs. Elle souhaite devenir ingénieur.



 Au Liban, les matières scientifiques sont enseignées en français ou en anglais alors qu’en Syrie, tout le cursus est en arabe.


La plupart des enfants syriens scolarisés au Liban souffrent de traumatismes plus ou moins graves. Quel que soit leur parcours, tous ont connu la guerre qui ravage leur pays depuis 2011. Ils ont souffert des pénuries, vu des armes, entendu des bombardements voire pire. Beaucoup sont déscolarisés depuis plusieurs années ou ne sont simplement jamais allés à l’école. Dans chaque établissement que nous avons visité, nous avons rencontré des adolescents qui ne savaient ni lire ni écrire.

Jocelyne al-Bahi est conseillère pédagogique à l’école de Sin el-Fil. Elle voit les enfants chaque semaine pour évaluer leur état psychologique à travers des jeux et des discussions. « Au début ils sont hyperactifs et peuvent être agressifs. Dans l’ensemble, ils ont tous des carences affectives et un manque de confiance en eux », explique-t-elle. « Mais rapidement on sent une amélioration ». Pour beaucoup d’enfants, l’école est un défouloir, un endroit où ils peuvent se faire des amis, jouer, quitter le monde des adultes. « Beaucoup de petits me racontent leurs souvenirs, les images de la guerre, des maisons détruites, les morts qu’ils ont connus. Ils me disent aussi qu’ils ont peur de devoir quitter l’école à nouveau, ça les angoisse », ajoute la conseillère pédagogique.






Une situation qui
n'est pas "naturelle"
  Jocelyne Al Bahi est conseillère pédagogique. Elle apporte un soutien psychologique aux enfants syriens.

Malgré cet élan de générosité, le Liban n’en oublie pas moins sa position de neutralité dans le conflit syrien. Si les réfugiés sont les bienvenus dans les écoles, il n’est pas question de mettre en place une vraie stratégie d’intégration. C’est là tout le paradoxe. Car si l’éducation « à la libanaise » donne de facto aux Syriens les moyens de faire partie de la société, les autorités - qui ne reconnaissent pas les conventions internationales sur le statut des réfugiés - n’ont de cesse de rappeler que leur pays n’est pas une terre d’asile. Cette position s’explique aussi par le souvenir du précédent palestinien, quand des centaines de milliers de déplacés se sont installés de manière permanente au Liban. Aujourd’hui, cela signifie que les Syriens sont tolérés mais priés de rentrer chez eux dès que possible. Pour tous nos interlocuteurs, le message était très clair : « Le Liban leur offre une éducation afin de mieux les aider à rentrer reconstruire leur pays. »

Sans que cela ne cause de violences ni de réelles tensions, on sent parfois un malaise dans les établissements scolaires. Bahia Baalbaky est en visite dans le bureau de Rachel Chidiac. Tandis que nous discutons avec la directrice, elle remplit des dossiers où elle évalue, pour le ministère, la qualité des enseignements. Entre deux gorgées de café, elle lance : « Le jour de la fête de l’Indépendance, quand même, je me suis dit que quelque chose n’allait pas. Les enfants étaient tous là dans la cour, ils chantaient l’hymne national libanais, il y avait des drapeaux … tout avait l’air normal mais ils étaient syriens pour la moitié! On aurait dû chanter l’hymne syrien ! » Elle s’arrête, elle ne veut pas paraître réactionnaire. Au Liban, l'hymne du voisin baasiste renvoie à des souvenirs douloureux, ceux d’une occupation militaire qui a duré de 1976 à 2005. « Nous faisons de notre mieux pour les accueillir », ajoute-elle. « Mais des proportions pareilles, ce n’est pas naturel ».

Dans les régions frontalières, les chiffres sont encore plus frappants. Les souvenirs, aussi. L’école publique de Halba est située dans le Akkar, sur la route qui mène à la Syrie, à quelques kilomètres à peine du poste-frontière. Dans cette région agricole délaissée par la capitale, la proximité entre les deux pays est évidente.





Marc, mon traducteur, a grandi à Halba. Il se souvient que sa mère l’emmenait à Homs, en Syrie, le weekend pour faire les courses. Il paraît que les légumes étaient de meilleure qualité et bon marché. Marc se souvient que sur la place de son village, il y avait une statue de Bassel al Assad, le fils aîné du défunt président Hafez al Assad qui aurait dû prendre la tête du pays à la place de Bachar, s’il ne s’était pas tué en voiture en 1994. « Quand ils sont partis, on l’a détruite. On n’avait plus besoin de leur lécher les bottes », dit-il en passant devant le terre-plein.

L’école est à quelques pas. Ici, il y a 600 élèves syriens pour seulement 167 Libanais. Le directeur Jamil Nabil explique que l’accueil des réfugiés est un devoir pour que les petits ne soient pas désocialisés. « Quand on a ouvert les portes, on s’attendait à ce qu’ils soient aussi nombreux. Et encore, il suffit de se balader dans le village pour voir qu’il y a encore des tas d’enfants qui traînent », déplore-t-il. « Une deuxième école ne serait pas de trop ». L’école de Halba a atteint sa capacité maximum. Il ne lui reste que quelques places dans les classes de collège.




 Nabil Jamil accueille 600 réfugiés syriens et 167 libanais dans l’école publique de Halba.


Jamil Nabil ne cache pas que l’aide internationale destinée aux Syriens lui a aussi permis de rénover les bâtiments de l’école. Pour pouvoir accueillir tout le monde, il a dû ouvrir de nouvelles salles de classe et installer des tables et des chaises dans les labos de chimie.




 Il n’y a plus de place alors le cours de littérature a lieu dans le labo de chimie.


C’est dans l’un de ces labos qu’enseigne Noujoud Yassine. Assise entre les éviers et les pipettes, elle parle littérature arabe avec une dizaine d’élèves. « Franchement, au début, j’ai accepté de faire ce cours juste pour gagner un peu plus d’argent. Mais, ensuite, je me suis prise au jeu. J’ai découvert des élèves très motivés. Ils posent des questions, font leurs devoirs. Ils ont une vraie soif d’apprendre. Aujourd’hui, je sens que j’ai le devoir de les aider pour qu’un jour ils soient en mesure de reconstruire leur pays ».


 Noujoud Yassine a fait le choix d’enseigner aux Syriens.

Dans cette école où les réfugiés sont globalement plus défavorisés qu’à Beyrouth, beaucoup d’enfants ont déjà commencé une vie d’adulte à 10-12 ans. Dans la classe d’à-côté, huit élèves sur 20 travaillent en plus de leurs études. Comme Mohammad, 12 ans, qui travaille tous les jours avant les cours dans une boulangerie, où il gagne 20 euros par semaine. « Ça ne me gêne pas de faire les deux car je dois aider ma famille. Mais, à choisir, je préfère l’école », raconte-t-il, souriant.




 Mohammad a 12 ans, il travaille dans une boulangerie avant de venir à l’école.


En plus des 158 000 enfants réfugiés syriens présents dans les écoles publiques libanaises, environ 50 000 se sont inscrits dans le privé. Pourtant, le Haut Commissariat aux réfugiés des Nations unies (HCR) estime que les réfugiés syriens âgés de moins de 18 ans au Liban sont plus de 500 000. Ce sont donc 300 000 enfants qui manqueraient à l’appel. « Nous ne refusons pas d’inscriptions. Nous voulons bien ouvrir toutes les écoles du pays l’après-midi. Mais où sont ces enfants ? », interroge Sonia Khoury, en charge du dossier au ministère de l’éducation nationale.




Un réseau d’éducation informel
  Une classe d’élèves syriens à Sin el Fil, à l’est de Beyrouth

Certains des enfants syriens qui manquent à l’appel vont en réalité dans des écoles dites « informelles ». Mais il est difficile de savoir combien ils sont. Il s’agit de structures mises en place par les réfugiés eux-mêmes, par la société civile ou par des ONG. Il en existe des centaines à travers l’ensemble du territoire et on y trouve de tout : des profs réfugiés qui enseignent les programmes scolaires syriens sous une tente, des volontaires européens venus soulager la misère – et leur conscience – sous le parapluie d’une organisation internationale, en passant par les imams dispensant des cours sur le Coran. Si elles ne sont pas illégales, ces structures ne sont pas pour autant reconnues par le ministère de l’Éducation nationale et les diplômes qu’elles décernent n’ont aucune valeur.




 La plaine de la Bekaa est la région la plus touchée par la crise des réfugiés


La vallée de la Bekaa, à l’ouest du pays, est la région la plus touchée par la crise des réfugiés. Pour comprendre ce que cela signifie, un tour en voiture suffit. Au bord des routes, dans les champs, les tentes syriennes sont partout. Elles se reconnaissent facilement à leurs bâches frappées d’un sigle UNHCR bleu ciel. Depuis le début de la guerre en Syrie, le Liban refuse de construire des camps en dur, de peur que les réfugiés ne s’enracinent. Les déplacés vivent donc dans des « zones d’habitation informelles », des cabanes. C’est là que Nora Joumblatt a décidé d’ouvrir, avec sa fondation Kayany, six écoles qui enseignent les programmes libanais à 2 200 élèves.




 L’Etat libanais refuse la construction de camps de réfugiés. Les écoles informelles doivent être en préfabriqués.


Nora Joumblatt n’est pas n’importe qui. Au Liban, elle jouit d’une double étiquette qu’il est difficile de faire oublier : elle est réputée être la femme la plus belle du pays et est l’épouse du sulfureux chef druze Walid Joumblatt. Pourtant, quand elle arrive dans les salles en préfabriqué, ce n’est pas le sujet. « D’où venez-vous ? », demande-t-elle aux enfants. « Moi, je viens de Damas ». Comme souvent au Liban, l’histoire se répète : Nora Joumblatt est arrivée de Syrie avec sa famille comme réfugiée politique en 1963, alors qu’elle n’était qu’une petite fille. Aujourd’hui, c’est à son tour de les accueillir.




 Nora Joumblatt a ouvert six écoles pour les enfants Syriens avec sa fondation Kayany


Les écoles de Nora Joumblatt ne se substituent pas au réseau de l’Éducation nationale, elles le complètent. Car pour beaucoup de familles qui habitent dans ces campements de fortune, l’accès aux écoles publiques, malgré toute la bonne volonté du monde, reste un défi. Quand elles ne sont pas déjà pleines, elles sont souvent loin. De plus, le bus coûte cher et beaucoup de familles refusent de laisser leurs enfants, notamment les filles, rentrer seuls le soir après 19 h. Avoir des salles de classe dans le camp est donc un avantage. C’est aussi l’avis de la jeune Pakistanaise Malala, prix Nobel de la Paix en 2014, qui a labélisé deux des six établissements de Nora Joumblatt.

Salam est étudiante dans l’une de ces écoles Malala. « Je vais en classe ici parce que c’est plus près de chez moi et parce que j’ai trop de mal à suivre dans une autre langue que l’arabe », explique cette jeune fille de 15 ans, originaire de Homs. Les écoles informelles fournissent souvent un soutien supplémentaire en langues, notamment via des cours pendant les vacances, dans l’espoir que les élèves puissent un jour atteindre un niveau suffisant pour suivre dans le public.






L’école, un luxe
  Salam, 15 ans, étudie à l’école Malala de Nora Joumblatt

Pourtant, malgré les efforts des autorités libanaises et de la société civile, encore trop d’enfants syriens au Liban ne vont pas à l’école ou bien la quittent dès qu’ils savent lire et écrire.

Abou Abdallah et sa femme habitent une tente d’environ 15m2 dans le camp de Tal Abbas, à quelques minutes de Halba. Ils ont neuf enfants, dont trois vont à l’école publique. « Je les envoie aussi longtemps que possible mais nous n’avons pas les moyens qu’ils fassent tous des études », dit le père, un ancien tailleur de pierre arrivé au Liban il y a trois ans. « À Alep, j’avais deux maisons et une voiture. Mais ici, nous vivons avec 135 dollars d’aide par mois. Là dessus, je dois payer le loyer de la tente, 35 dollars. Il ne me reste que 100 dollars pour nourrir 11 personnes pendant 30 jours, c’est impossible », ajoute-t-il.




 Abou Abdallah et sa famille devant leur tente dans le camp de Tal Abbas, dans la région du Akkar


Les aînés doivent aider à faire vivre la famille. L’un des fils d’Abou Abdallah est présent pendant notre conversation. Quand on lui demande s’il va à l’école, il répond spontanément « Yaret ! » (si seulement !), puis se reprend et dit simplement que non. Hussein a 14 ans, il n’est jamais allé à l’école au Liban. Depuis trois ans, il travaille comme ouvrier agricole pour un euro de l’heure. Il ne s’en plaint pas, mais dit qu’il aurait aimé faire un autre métier, « quelque chose pour aider les gens ».

Même si l’école est obligatoire jusqu’à 15 ans et le travail des enfants illégal au Liban, les adolescents comme Hussein font à présent partie du décor. Aux quatre coins du pays, ils travaillent dans les champs, vendent des babioles aux feux rouges, réparent les voitures, livrent des marchandises à domicile. Cela ne choque plus personne. Tout le monde s’y est habitué.

La situation des filles est encore plus complexe. La misère pousse les parents à les marier plus tôt, leur enlevant définitivement tout espoir de pouvoir aller à l’école. Mais le sujet est tabou. Tandis qu’Abou Abdallah part assister à une réunion, une jeune femme nous rejoint. Nous pensions avoir à faire à une adulte alors qu’elle n’a que 14 ans. Devant le quiproquo, elle éclate de rire sous son voile jaune. « Je me suis mariée il y a huit mois », précise-t-elle. Puis elle raconte tout si on promet de taire son nom : la mort de son père ; la maison de Homs effondrée ; l’arrivée au Liban à 10 ans ; sa mère désespérée ; des frères et sœur trop petits ; les hivers dans la Bekaa enneigée et la tentative d’inscription à l’école, où on lui a dit que, comme elle savait lire et écrire, il fallait laisser la place aux autres. Puis le mariage à 13 ans. Elle ne voulait pas trop mais dans une situation pareille, elle n’a pas eu le cœur de dire non. La vie, bien sûr, ne s’arrête pas là. Elle s’est trouvé une nouvelle passion : l’esthétique. Incollable sur les techniques d’épilation des sourcils au fil et les couleurs de vernis à ongles, elle espère qu’un jour, elle pourra ouvrir un petit salon.

Malgré le ressentiment envers l’ancien occupant et la pression immense qu’exercent les Syriens sur les maigres ressources du pays, les heurts entre Libanais et réfugiés sont rares. Le Liban, aidé de ses partenaires internationaux, a fait le pari de l’avenir. Un avenir, où, certes, chacun est invité à aller de son côté, mais qui se prépare coude-à-coude sur les bancs de l’école. Au-delà du bagage scolaire, il ne faut pas oublier que l’école est aussi un lieu de socialisation, qui permet à ces enfants, souvent traumatisés par la guerre, de retrouver une vie normale.

Bien sûr, il y a des laissés-pour-compte, beaucoup. Selon une étude récente de l’Université Saint-Joseph de Beyrouth, « les enfants qui aujourd’hui ne vont pas à l’école seront les plus difficiles à réinscrire, car ils sont entrés dans un cercle vicieux - travail, mariage, isolation ou pessimisme – qui, tour à tour, aggrave leur situation et augmente leurs raisons d’abandonner les études ». Si ce travail de réinsertion est en bonne voie, le chemin à parcourir reste rude.