Cliquer pour naviguer

Sur la place Omonia, dans le centre d’Athènes. Alors que les caisses de l’État grec sont vides, le gouvernement tente de trouver un accord avec les créanciers en adéquation avec sa politique anti-austérité pour continuer de percevoir une aide financière.

II ne “cèdera pas” devant les créanciers. Vendredi 5 juin, dans un discours offensif prononcé devant le Parlement grec, le Premier ministre Alexis Tsipras a dénoncé les « propositions absurdes » de ses partenaires financiers en vue d’un accord. Depuis son ascension au pouvoir en janvier, un véritable bras de fer se joue entre le parti de gauche radicale Syriza et ses créanciers, ancienne Troïka (Commission européenne, le FMI, et la BCE). Ensemble, ils doivent parvenir à une entente sur une liste de réformes pour le pays, en échange du déblocage d’une aide de 7,2 milliards d’euros. Mais les négociations achoppent, notamment sur le salaire minimum, la TVA et la réforme des retraites.

Une entreprise d’équilibristes : Alexis Tsipras veut donner des gages à ses partenaires sans trahir ses électeurs, séduits par son programme anti-austérité. Le chef du gouvernement souhaite, comme il l’a martelé à la Vouli, le Parlement grec, œuvrer avec l’Europe “pour une solution, non pour soumettre et humilier le peuple”. Dans le pays, Syriza recueille toujours la confiance (37,8 % des intentions de vote fin mai, selon un sondage Metrisi), même si, sans visibilité, des Grecs dénoncent la paralysie.

Alexandra Laggari
Depuis qu’elle a perdu son emploi de puéricultrice en 2011, Alexandra, 28 ans, travaille à Laggaris Tour, l’entreprise de sa famille.

"Il y a une sensation d’immobilisme"

Le téléphone ne cesse jamais de sonner dans le local orné de photos d’îles paradisiaques. Alexandra Laggari, employée de cette entreprise de tourisme à Athènes, enregistre des réservations en grand nombre. Mais la Grecque reste prudente. « Depuis l’élection [de Syriza], nous avons toujours un peu peur qu’il y ait des répercussions. Il y a un doute sur le retour à la drachme, qui serait une catastrophe. »

Deux visions opposées se sont enracinées, d’après elle : « 50 % des gens pensent que le parti mènera à la sortie de l’euro, 50 % qu’il réussira à appliquer son plan ». Résignée, celle qui vote blanc ne croit plus en la politique grecque « exercée pour l’argent ». Syriza, Nouvelle démocratie, Pasok… « Ce sont les mêmes, il y a cette sensation d’immobilisme ». Elle n’imagine pas un accord viable avec les créanciers qui « soit ont pitié de nous, soit s’imaginent qu’on danse le sirtaki ».


Le tourisme, l’une des premières mannes financières affiche une bonne reprise, explique Alexandra Laggari. Ici, des touristes embarquent pour l’île d’Égine, au port du Pirée.


Le pays espère cette année l’arrivée de 25 millions de visiteurs. Si les Allemands et les britanniques sont les premiers à venir en Grèce, “le nombre de Russes et de Chinois augmente”, note Alexandra.



Dr Nikolaos Georgikopoulos
Nikolaos Georgikopoulos, économiste au centre de recherches économiques KEPE, à Athènes et professeur d’économie à la New York University - Stern School of Business.

"Sans accord, la fuite des dépôts continue"


Les caisses des Eurobank, Attica Bank, Alpha Bank, Piraeus Bank, Ethniki Bank se vident. « En janvier 2010, le niveau des dépôts était de 234 milliards d’euros, il a plongé à 130 milliards », alerte l’économiste Nikolaos Georgikopoulos. Douze milliards d’euros ont quitté le fragile système bancaire en janvier dernier, 7,6 milliards en février, 2 milliards en mars, 7 milliards (estimation) en avril. « Avant 2013, une partie allait aux banques chypriotes. Depuis la crise financière de l’île, ils vont vers l’Autriche, l’Allemagne, le Royaume-Uni…. Mais la majorité de l’argent des ménages reste en Grèce, les habitants le placent dans un coffre à la banque ou chez eux. »

Cette fuite des dépôts “est directement influencée par le climat d’incertitude dû au non-accord entre les créanciers et Syriza”, indique l’économiste. “L’idée du Grexit est revenue ces derniers mois. Certains citoyens sont toujours inquiets», explique-t-il, “optimiste” toutefois sur la conclusion d’un accord entre le gouvernement et ses créanciers..


"L’argent a quitté les banques grecques ces dernières années. La fourniture de liquidités d’urgence ELA (emergency liquidity assistance), mise en place par la BCE, est devenue capitale pour les banques, selon Nikolaos Georgikopoulos."


Sur un mur du quartier d’Omonia, à Athènes, un dessin détourne la chancelière Angela Merkel en Mickey Maousse, avec le sigle de l’euro. Pour certains Grecs, l’Allemagne incarne l’austérité.


Eleni Panitsa
Eleni Panitsa, 27 ans, a décoré le local de la section jeunesse de l’Initiative solidaire des citoyens d'Ilion, avec ses graffitis. Son association a été créée « après les nombreuses saisies immobilières » et organise des marchés, distribue des médicaments…

"J’ai parfois peur qu’il démissionne face aux créanciers"

À Ilion, les panneaux jaunis « À vendre » se démarquent sur les façades délabrées. Pour l‘activiste Eleni Panitsa, qui fait partie du réseau Initiative solidaire des citoyens d'Ilion, répondre à l’urgence sociale est une priorité. Elle est séduite par Syriza, qui privilégie la lutte contre la crise humanitaire. « Rien n’a vraiment changé depuis janvier, s’emporte toutefois l’enseignante sans emploi, le salaire minimum par exemple n’a toujours pas augmenté ». Sa colère se porte sur les créanciers, qui « bloquent les changements ».

Eleni craint même que ces derniers « annulent les quelques mesures anti-austérité que Syriza a pu faire passer », comme la réintégration de fonctionnaires, dont les 397 femmes de ménage au ministère des Finances. Le gouvernement veut recruter au total 15 000 agents en 2015.

La jeune femme redoute parfois que le Premier ministre démissionne, « refusant d’être le pion de la Troïka ». « On entend des scénarios comme des élections ou un référendum sur les propositions des partenaires, ce serait un nouveau coup dur pour nous, témoignant du blocage sans fin avec l’Europe ».


Commerces fermés, saisies immobilières, hausse du chômage... La crise a lourdement frappé le quartier d’Ilion, où résident 95 000 habitants.


Le siège du parti de Syriza à Athènes. Eleni a voté pour le parti aux législatives, selon elle, “le dernier espoir des Grecs”.



Haris Theoharis
“La Grèce compte deux fois plus de petites entreprises que la moyenne de l’UE (15%), ces derniers peuvent plus facilement ne pas déclarer leurs revenus”, explique le député Haris Theoharis, 45 ans.

"La lutte contre la fraude fiscale doit s’accélérer"

E ntre 15 et 20 milliards d’euros échappent chaque année au fisc grec et ce sont plus de 73 milliards d’euros d’arriérés qui s’accumulent. Ces chiffres colossaux alarment Haris Theoharis, ex-secrétaire général en charge des recettes fiscales de janvier 2013 à juin 2014. L’ancien "Monsieur Impôt" a finalement démissionné. "On supprimait des effectifs, alors qu’il fallait embaucher, former les salariés à enquêter sur des cas particuliers", explique-t-il.

La lutte promise par Syriza contre les pratiques d’évasion fiscale est censée rapporter 3 milliards d’euros. Haris Theoharis, député de To Potami (parti centriste), s’en félicite mais reste dubitatif. « Le parti ne réalise pas l’ampleur de la tâche, qui prendra des années ! » Pour l’heure, toute avancée dans ce domaine est bloquée dans l’attente d’un accord, estime-t-il.


Sur la devanture d’un “periptero”, petit kiosque à journaux à Athènes, les unes des journaux grecs pointent les blocages entre le gouvernement et les créanciers internationaux. Vendredi 5 juin, jour où le gouvernement était censé rembourser le FMI, le journal « στοχος » (la cible) titrait « Alexis (Tsipras) est fini ».


Les journaux affichés sur un « periptero » athénien, titrent vendredi 5 juin, « Ils (Syriza) jouent à la roulette russe » (à droite) ou « Nos vies sont un enfer » (à gauche). Pour le député Haris Theoharis, “le parti ne réalisera pas les mesures annoncées, en matière fiscale. Ils ne supprimeront pas, comme il l’ont dit, l’Enfia (l’impôt foncier instauré en 2011)”.





Haut de page