Introduction : Les lobbies sous le feu des projecteurs
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Lobby. À l’énoncé de ce terme, des images négatives viennent généralement à l’esprit. Un couloir de l’Assemblée nationale, une rencontre secrète, une conversation qui, comme par magie, contraint un politique à modifier la loi pour favoriser les intérêts financiers les plus puissants : nous sommes tous habités par cet imaginaire d’hommes et de femmes de l’ombre agissant contre l’intérêt général dans les coulisses du pouvoir.

"Il faut à un moment ou à un autre poser ce sujet sur la table parce que c’est un problème de démocratie : qui a le pouvoir ? Qui gouverne ?", a d’ailleurs lâché, au sujet des lobbies, l’ancien ministre de la Transition écologique et solidaire, Nicolas Hulot, en annonçant sa démission, le 28 août 2018, sur France Inter.

Un ministre vaincu par les lobbies, cette petite musique n’est pas nouvelle. Delphine Batho, déjà à l’Écologie, avait accusé les "puissances économiques" d’avoir obtenu sa tête lorsque François Hollande l’avait congédiée à l’été 2013 du gouvernement de Jean-Marc Ayrault.

Une rhétorique classique du vaincu, selon le professeur de science politique à l’université de Lille Guillaume Courty, auteur du livre "Le lobbying en France" (Peter Lang, 2018), qui relève que ce sont les ministres de l’Environnement qui ont entonné ces dernières années le refrain de "la victoire des lobbies". "L’imaginaire du lobbying reposait sur une figure du suspect habituel : les milieux d’affaires. Il a désormais ses glorieux vaincus : les défenseurs du développement durable", écrit-il.

C&I


Dans le cas de Nicolas Hulot, le suspect idéal s’appelle Thierry Coste. Mis directement en cause par l’ancien ministre de l’Écologie, il est régulièrement cité par les médias dès qu’il s’agit de lobbying. Volontiers outrancier, adepte des phrases coup de poing, Thierry Coste, directeur de l’agence Lobbying et Stratégies qui représente notamment la Fédération nationale des chasseurs (FNC), ne fait pas dans la demi-mesure lorsqu’il s’agit de décrire ses activités de lobbyiste. "Une bonne discussion, une bonne polémique, un bon rapport de force, j’utilise tout. Le juridique, la communication, la négociation très cool et très sympa, peu importe. J’assume complètement le fait d’être un véritable mercenaire. J’ai un code d’honneur qui est de respecter les lois et les règlements, de ne jamais pratiquer la corruption, et de ne jamais pratiquer les polémiques sur les affaires de sexe et d’argent. Pour tout le reste, je suis sans foi ni loi. Seul le résultat compte pour moi. Je respecte la loi, point. Pour le reste je n'ai aucun état d’âme", expliquait-il notamment à la cellule enquête de Radio France en juin 2018.

Par ses propos et l’image qu’il renvoie du lobbying, Thierry Coste colle parfaitement à la représentation commune de cette activité. Et les propos de Nicolas Hulot parlant de "la présence des lobbies dans les cercles du pouvoir" n’ont fait que renforcer cette image. Pourtant, les acteurs de la fabrique de la loi – élus, collaborateurs parlementaires, lobbyistes – que nous avons rencontrés durant cette enquête sont tous d’accord sur une chose : Thierry Coste n’est pas représentatif de ce qu’est le lobbying en France.

Nous avons donc voulu comprendre. Qu’est-ce que le lobbying en France et qui le pratique ? Que font les lobbyistes pour modifier la loi ? L’arrivée d’Emmanuel Macron au pouvoir a-t-elle coïncidé, comme le clament ses opposants, à une influence grandissante des lobbies ?

Ils ont contribué à notre enquête :

Personnalités politiques, lobbyistes, chercheurs, représentants d'ONG, "petites mains" travaillant dans l'ombre du politique : au total, nous avons rencontré une vingtaine de personnes pour comprendre le lobbying made in France. Voici celles citées dans notre enquête.

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