Les sacrifiés du sucre

Les accaparements de terre dans l’industrie sucrière au Cambodge

entrez

Des terres volées, des maisons brûlées et des vies brisées… Les accaparements de terre se sont multipliés au Cambodge ces dix dernières années. Au nom d’un accord européen visant à promouvoir le développement dans les pays pauvres, le gouvernement cambodgien a converti 100 000 hectares de terres en concessions économiques à destination des entreprises privées.

Sauf que l’implantation des compagnies sucrières s’est souvent faite au détriment des populations locales. Des milliers de paysans ont été expropriés, perdant ainsi leur seul bien : leur terre. Pour les ONG, Bruxelles est devenu complice de ces expropriations forcées, qualifiées de "violations des droits de l’homme".

Reportage dans deux provinces cambodgiennes, à Oddar Meanchey, dans le Nord, et à Kampong Speu, dans l’Ouest.

à Oddar Meanchey,
LE sucre laisse
un goût amer

Dans cette province du nord du Cambodge, frontalière de la Thaïlande, des centaines de paysans ont été chassés de leur maison et de leurs champs sur lesquels ils cultivaient du riz. Ils racontent comment la société Angkor Sugar est venue les déloger.

Quand Pol Pot a supprimé le foncier

À l’image de tous les fermiers mobilisés, Heng Chhun et Hoy Maï n’ont qu’un seul objectif : récupérer les champs sur lesquels leurs familles travaillent depuis plusieurs générations. Sauf que ces paysans expropriés ne disposent pas de titre de propriété pour défendre leurs droits. Ce vide juridique résulte de l’époque des Khmers rouges (1975-1979), durant laquelle Pol Pot a supprimé tous les cadastres.

À la chute du régime communiste, les paysans se sont installés sur des terres, puis se sont autoproclamés propriétaires au fil des années. Si certains ont reçu des récépissés de la municipalité, ils n’ont aucune valeur légale aux yeux de l’État, qui reste le propriétaire par défaut de tous les terrains.

"3 millions de Cambodgiens ont un titre de propriété"
Jean–François Cautain, ambassadeur de l'UE au Cambodge


À Kompong Speu,
le discours mielleux de l'industrie sucrière

Même constat dans cette province de l’ouest du pays, proche de la capitale cambodgienne : des agriculteurs ont été spoliés de leurs terres par une entreprise sucrière, la Phnom Penh Sugar. Nombre de paysans n’ont aujourd’hui pas d’autres choix que d’aller travailler pour cette société, qui se targue de développer économiquement la région.

Le bras de fer avec les autorités

Pour tenter de récupérer leurs champs, les paysans se mobilisent auprès des entreprises sucrières, du gouvernement cambodgien et de l'Union européenne. Mais ils peinent à faire entendre leur voix devant tous ces interlocuteurs qui se renvoient la responsabilité.

Crédits

  • © un reportage de Ségolène Allemandou pour FRANCE 24
  • © textes et photos Ségolène Allemandou.
  • Edition : Benjamin Dodman et Cassandre Toussaint
  • Conception, design et développement : Studio graphique France Médias Monde
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les forcats du textile

Les ouvriers cambodgiens, payés 80 dollars (58 euros) par mois pour six jours de travail par semaine, ont commencé à se révolter. En janvier 2014, ils ont fait grève pour réclamer un salaire minimum à 160 dollars (116 euros). Après deux semaines de blocage des usines, la police est intervenue de manière extrêmement brutale, faisant au moins 3 morts, des dizaines de blessés, et emprisonnant 23 protestataires .

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"Les pays se servent de TSA pour violer les droits de l’homme"
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