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Wallison Henrique de Souza devant les ruines de la maison de sa mère à Bento Rodrigues, où il a passé son enfance.

Au Brésil, la rupture d’un barrage contenant des déchets miniers a semé la désolation sur 500 km, des montagnes du Minas Gerais jusqu’à l’océan Atlantique.



Après deux années d’efforts, Wallison Henrique de Souza pensait toucher au but. La petite maison de ses rêves, que ce maçon brésilien de 28 ans construisait à côté de celle de sa mère, à Bento Rodrigues, était presque achevée.
Mais de ce rêve, il ne reste que des ruines. Le 5 novembre 2015, vers 16 h, Wallison a vu deux de ses collègues arriver en courant, criant : "Le barrage de la mine s’effondre".



Une vague rouge de boues toxiques

L’école de Bento Rodrigues, à proximité de Mariana, dans l’État brésilien du Minas Gerais, après le passage de la vague de boue.


Dans la panique, sans aucune information, Wallison et sa famille s’enfuient dans la montagne pour se mettre à l’abri et assistent, impuissants, au désastre.
La rupture du barrage du Fundao, qui servait à stocker et décanter les déchets produits par la mine de fer voisine, libère 60 millions de mètres cubes de boues toxiques. Une vague rouge submerge tout sur son passage.



Un habitant de Bento Rodrigues recherche ses biens personnels dans la boue.

On savait que c’était très grave, mais on n’imaginait pas que la destruction serait totale

Quelques heures après, Wallison et les 600 habitants de Bento Rodrigues constatent qu’ils ont tout perdu, leur maison et leurs quelques biens. Seize personnes ont péri dans la catastrophe, trois sont encore portées disparues.

"On savait que c’était très grave, mais on n’imaginait pas que la destruction serait totale" raconte Wallison, qui vit désormais dans une chambre d’hôtel, en attendant d’être relogé dans la ville voisine de Mariana. Le village de Bento Rodrigues ne sera pas reconstruit.




500 km de désolation
Le fleuve Rio Doce a pris une couleur rouge foncée inhabituelle. Ici, à Barra Longa, située à 70 km du lieu de la catastrophe.


Après avoir détruit Bento Rodrigues, la vague de boue a dévalé les pentes du Minas Gerais jusqu’aux côtes de l’État voisin d’Espirito Santo, sur 500 km.

Empruntant le cours du Rio Doce, le cinquième fleuve le plus important du Brésil, une vague de désolation s’est répandue sur toute la région en une quinzaine de jours.

Face aux ruines de la maison de sa mère qu’il revoyait pour la première fois depuis la catstrophe, Wallison Henrique de Souza se dit accablé, "vidé".


Accident industriel dans un Far West minier
Une voiture prise dans le torrent de boue à Bento Rodrigues.


Le secteur minier, principal employeur de la région, est sur le banc des accusés. Des experts du Haut Commissariat des Nations unies pour les droits de l’Homme envoyés sur place attribuent la rupture du barrage à la mauvaise gestion de la compagnie minière Samarco, une joint venture entre le géant anglo-australien BHP Billiton et le brésilien Vale.

Le pire désastre écologique que le Brésil ait jamais connu

À Paris, lors de l’ouverture de la COP21, la présidente Dilma Rousseff a estimé que la catastrophe de Mariana était "le pire désastre écologique que le Brésil ait jamais connu".



Un habitant de Bento Rodrigues sur les ruines de sa maison.


Après avoir, dans un premier temps, infligé à Samarco une amende de 60 millions d’euros, le gouvernement brésilien réclame désormais une somme de 4,5 milliards d’euros sur une période de 10 ans. Il a gelé des avoirs de BHP et Vale en attendant la signature d’un accord d’indemnisation.

Négligence et désinvolture
Des habitants de Bento Rodrigues se promènent dans leur village détruit à la suite de la rupture du barrage.


Après la rupture du barrage, l’entreprise Samarco, qui n’a émis aucune alerte au moment de la catastrophe, a été fortement critiquée pour la lenteur avec laquelle elle a réagi.

Elle ne donne toujours aucune information sur le degré de pollution de l’eau ni sur les risques pour la santé des habitants exposés à ces boues contenant des déchets miniers.

Il aura fallu 15 jours pour que la compagnie admette que la catastrophe menace la stabilité de deux autres barrages situés à proximité.

Ce sont des volontaires des églises évangéliques qui sont arrivés les premiers pour nous aider

À Barra Longa, une petite ville située à 70 km en aval du barrage, Francisco Marcelinoa, chauffeur routier à la retraite, raconte que "ce sont des volontaires des églises évangéliques qui sont arrivés les premiers pour nous aider".

Dona Cenita, son épouse, qui lave du linge en complément de leur retraite de 185 € par mois, réclame une nouvelle machine à laver. Les ingénieurs de Samarco se succèdent pour établir des diagnostics, en vain.


Un habitant de Bento Rodrigues devant les ruines de sa maison. Le village ne sera pas reconstruit.

Pour leur fille, ses parents âgés de plus de 70 ans "sont encore en état de choc, ils ont vraiment besoin d’assistance". Son père Francisco parle en pleurant de ses poules qu’il a vu mourir étouffées dans la boue.

Empêtrés dans la boue rouge
Dans la localité de Periquito, à 270 km du lieu de la catastrophe, un pêcheur montre un poisson mort en raison des boues qui ont envahi les eaux du Rio Doce.


Plus d’un mois après la catastrophe, l’heure est toujours aux travaux d’urgence : un incessant ballet de camions et de pelleteuses évacue la boue des localités atteintes par ce torrent toxique.

À Periquito, 270 km en aval de Mariana, les pêcheurs ont vu les poissons du Rio Doce mourir étouffés. Plusieurs tonnes de poissons, certains pesant jusqu’à 60 ou 70 kg, se sont échoués sur les berges.

"Moi, je n’ai pas le courage de pêcher en ce moment. Je n’oserais pas donner à manger à mes enfants du poisson du Rio Doce. Et encore moins le vendre. Je n’ai plus de revenus", raconte Moises Gomes.

L’exploitation minière en question ?
Un mois après la catastrophe, les habitants récupèrent ce qu’ils peuvent.


Les déchets miniers s’étant déposés dans le lit du cours d’eau, l’eau du Rio Doce ne peut plus approvisionner les villes ou les cultures, et nul ne sait combien de temps cela va durer. Personne n’est capable d’évaluer les dégâts à moyen et long terme causés par la catastrophe.

Ces dix dernières années, quatre accidents similaires se sont produits dans le Minas Gerais, sans que la législation sur l’exploitation minière ne soit revue.


Ce qu’il reste de Bento Rodrigues, village de 600 habitants, après la rupture du barrage de récupération de déchets miniers de la société Samarco.

Un rapport de l’ONU commandé par le gouvernement brésilien affirme que sur les 740 barrages liés à l’activité minière au Minas Gerais, 40 présentent des "risques".

À Bento Rodrigues, Wallison, le maçon, a retrouvé dans la boue une médaille sportive qu’il avait gagnée dans son enfance.

Bento Rodrigues, un spectacle de désolation.